Si je ne suis guère mordu par le mobile gaming, force est de constater que de nombreux petits softs, gratuits comme payants, mériteraient d’avantage d’attention. C’est pourquoi, lorsque l’éditeur (français !) de Vintage Game Shop m’a contacté pour me présenter leur nouvelle application, j’ai pris un peu de temps pour me pencher dessus.
Et le pari n’était pas gagné : en effet, le « jeu » m’avait d’abord semblé trop simple : vous êtes le responsable d’un magasin de retrogaming, et devez racheter des jeux de des particuliers vous proposent, puis les vendre à vos clients en essayant d’en tirer un bénéfice. En somme, le jeu n’apparaissait comme rien d’autre qu’une gestion spéculative, semblable à tous les « jeux » de simulation boursière… Pas convaincant.
Mais comme il ne faut jamais dénigrer sans connaître, j’ai téléchargé la petite appli Android… et contre toute attente, j’ai été particulièrement surpris par sa richesse.
Spéculer en apprenant l’histoire du jeu vidéo
Soulignons-le rapidement : Vintage Game Shop n’est pas réellement un jeu proprement dit, plutôt une application interactive. L’interface est assez basique, et si le graphiste comptait se reposer sur l’excuse essorée « oui mais comme c’est un jeu sur le retrogaming, c’est normal que ce soit simple », c’est raté mon Coco, trop l’ont faite avant toi. Le système ressemble un peu à un vieux panneau minitel où vous choisissez votre option, bouton par bouton.
L’écran est globalement basique : lorsqu’un client vous propose un nouvel objet, celui-ci s’affiche au centre de votre écran. Outre quelques informations pratiques, telles que l’état actuel de votre portefeuille, le « niveau de patience » de votre client (on y reviendra) et le prix qu’il demande (pas toujours connu), vous aurez plusieurs options, que je vous conseille d’opérer dans cet ordre :
- Test item : parce que vos clients ne sont pas très honnêtes, ils essayent souvent de vous refourguer du matos HS. La première chose est donc de tester le produit pour voir son fonctionnement; et si l’écran affiche de la « neige » (sauf pour Cool Borders, évidemment…), passez directement votre chemin (et pétez-lui les dents en lui demandant s’il vous a pris pour un jambon par la même occasion).
- Questions ? : cette option vous permettra de savoir ce qu’est l’objet ou le jeu qu’on vous proposer. En bons retrogamers, je ne doute pas que vous sachiez distinguer une Super Nintendo d’une borne d’arcade; néanmoins, vous pourriez passer à côté d’informations très importantes, notamment dans le cas d’éditions spéciales ou de pièces signées. Certains objets ne vous diront par contre rien du tout, et il vaut mieux savoir ce que vous achetez. C’est ici probablement l’option la plus intéressante et ludique de Vintage Game Shop, car c’est là que vous enrichirez vos connaissances du monde du jeu vidéo…
- Call expert : Bien que vous soyez, j’en suis certain, experts dans la négoce de jeux vidéo retrogaming, vous ne connaissez probablement pas les cotes des tout ce qui peut se présenter à vous; en particulier les pièces exceptionnelles dont les jeux signés, les « reliques » ou carrément des consoles d’une rareté extrême. Vous pouvez donc décider d’appeler un expert de la cotation qui vous renseignera, histoire que vous n’offriez pas non plus un prix exorbitant à un revendeur, pour une pièce que vous allez finalement vendre moitié moins. C’est probablement l’option la plus pernicieuse de Vintage Game Shop : vous en avez assurément besoin mais… il faudra soit vous délester de quelques dollars sur votre pécule de commerçant, soit… regarder une vidéo publicitaire d’une 15aine de secondes. Et ça marche !
- Stock : il semble que votre petite échoppe ne comporte que peu de place de stock puisque vous ne pouvez stocker un nombre illimité de pièces. De plus, certaines prendront bien plus de place que d’autres, illustrés par des « Slots » comme au bon vieux temps de la carte mémoire PS1 sur laquelle vous jongliez pour que le maximum de sauvegardes de jeux rentrent sans avoir à en effacer. Si si, on l’a tous fait.
- Pass : Option indispensable, notamment si votre revendeur essaye de vous refourguer une console ou un jeu défaillant, ou s’il croit encore au père Noël en essayant de vous vendre un Tetris sur Game Boy à 100$. En appuyant sur Pass, vous l’enverrez arnaquer un autre commerçant, tout simplement.
- Negociate : Pas compliqué à comprendre non plus, vous essayerez de grappiller le moindre dollar au revendeur pour espérer améliorer vos marges. Attention néanmoins, la patience de votre client est très limitée, et un indicateur sur la barre haute vous indique lorsque le monsieur en aura marre de jouer au marchand de souk maghrébin et repartira avec sa pièce.
- Buy : vous le devinez : acheter pour le prix annoncé ou qui a été négocié.
Si certaines options ne sont finalement que des détails (voir inutiles), d’autres se montreront vraiment indispensables, et ça, l’éditeur Ludoscience l’a compris ! Malheureusement…
Quand le lucre entache la connaissance
Soyez-en sûrs : aujourd’hui, plus rien n’est gratuit, même pas la connaissance. Et derrière leur nom de petits savants du jeu vidéo, les membres de Ludoscience ne crachent pas non plus sur quelques deniers. Et le lucre vient ici particulièrement ternir le plaisir du jeu. Pour une fois, pas de vilain bandeau publicitaire qui vient bouffer 1/3 de l’écran ni d’affreux pop-ups (ou pire, des redirections automatiques) qui vous donnent l’impression d’être un animal qu’on promène de droite à gauche; dans Vintage Game Shop, on vous donne le choix. Le choix, vraiment ? Non, pas vraiment.
Nous vous avons parlé dans la partie précédente de la fonction « Call Expert », qui vous permet d’évaluer précisément la valeur d’un objet. Vous pouvez bien sûr vous en passer, mais si vous n’avez pas envie de vous faire rouler par votre client et que vous ne voulez pas non plus dépenser 10$ pour une pièce qui va vous en rapporter 5$, vous vous cognez la pub… Et pan, quelques centimes de pub pour l’association à but résolument lucrative LudoScience. Et cela pour la plupart des pièces proposées. On est pas contre permettre à un éditeur d’application de gagner quelques deniers, mais là, une pub de 15 secondes toutes les 30 secondes de jeu, ça coupe quand même beaucoup l’envie de jouer régulièrement !
Je ne vous le cache pas, si j’ai bien accroché au concept de Vintage Game Shop, bien que simpliste et (très) rapidement rébarbatif, cette intronisation plus que constante de publicité est plus que fatigante, voir carrément rebutante. Lorsqu’on passe plus de temps à regarder des pubs (ah oui, précisions que c’est très souvent la même qui revient en boucle…) qu’à jouer, autant allumer votre TV et regarder un connard d’animateur mégalo tripoter des filles et insulter les minorités. Vous vous imaginez devoir vous coller 30 secondes de pub tous les fins de combat d’un Final Fantasy ?
Apprendre l’histoire du jeu vidéo… et l’anglais
Néanmoins, l’argent ne vient par ternir la vraie force de Vintage Game Shop : les informations sur chaque produit qui passe; ainsi, le bouton « Questions ? » sera le plus utile puisqu’il permettra d’accéder à plein d’informations intéressantes : l’origine de la console ou du jeu, sa date de sortie, des détails et des anecdotes sur sa sortie ou son gameplay. Et il faut avouer qu’il y a beaucoup de données très intéressantes qui ne manqueront pas de vous étonner et renforcer votre culture vidéoludique !
Par contre, Vintage Game Shop ne se limitera pas qu’à améliorer vos connaissances du jeu vidéo, il vous aidera également à travailler… votre anglais ! Et c’est là que le bât blesse, encore : on veut bien comprendre qu’il est important de toucher du monde aujourd’hui, mais proposer une application uniquement en anglais, avec une partie graphique minimaliste et l’intérêt du jeu basé sur l’écrit, et surtout par un éditeur français, on se dit que c’est pas top… Non, disons-le franchement : ça craint. Votre serviteur n’a aucun problème avec la langue de Shakespeare, mais ce n’est peut-être pas le cas pour tous. Ah oui, évidemment les publicités sont toutes en français, rassurez-vous.
En définitive, Vintage Game Shop partait sur une excellente base : apprendre plein de choses sur l’histoire du jeu vidéo et des anecdotes à la pelle de manière ludique, mais on est presque vexés de voir que l’asso Ludoscience a un peu fait le truc à la va-vite et semble s’être d’avantage concentré sur un moyen de gagner des pépètes que d’évangéliser les foules au Saint Retrogaming... et si ce n’est pas le cas, rattrapez-vous vite les gars !
Pour ceux qui auront tout de même envie de se pencher sur Vintage Game Shop (tout n’est pas mauvais non plus, les anecdotes sont intéressantes et en nombre !), l’application est disponible sur le Play Store Android et sur l’App Store.