Les plantes ont toujours été l’objet d’un « fantasme botanique » au cours des siècles; je pense notamment à l’armoise, à la mandragore, à la racine de Baara, à la jusquiame entre autres. Les voyageurs, tout comme les médecins, les naturalistes, botanistes et historiens croyaient que les herbes étaient capables de grands miracles, et certains n’hésitaient pas à risquer leur vie pour les trouver.
Les jeux vidéo reprennent cet imaginaire collectif ancestral et merveilleux. En effet le mirifique est bien souvent synonyme de plaisir, l’improbable est l’ami de l’attrayant. Le végétal dans les jeux vidéo, excepté le fait de constituer le paysage – un élément propre à créer une atmosphère mystérieuse ou enchantée comme la forêt – fait souvent l’objet de véritables missions et intrigues. Les herbes participent donc aux péripéties. Leur utilisation devient multiple et l’imagination ne s’épuise jamais à leur trouver une utilité originale.
Bien plus qu’un simple agrément ou divertissement, les plantes sont dans certains jeux une véritable quête initiatique, une quête des origines pour le héros du jeu. Les plantes, à une autre échelle, sont ces « realia » qui sont un lien entre le naturel et le virtuel. Nous allons donc voir tout cela ensemble avec quelques exemples de jeux où cette omniprésence botanique est édifiante.
La quête de l’herbe comme élément indispensable de poursuite du jeu
L’aneth dans Star Ocean
La troupe d’aventuriers de Star Ocean, afin de pouvoir rencontrer le linguiste de la ville de Linga, doivent réussir une épreuve, imposée par l’apothicaire : ramener de la réserve de Linga (endroit sacré pour les herboristes), une plante rare qui n’a jamais été découverte.
Pendant leur périple, les aventuriers vont trouver de l’Aconit : plantes vénéneuse des régions montagneuses. L’aconit contient de l’aconitine, substance mortelle pour l’homme à la dose de 5 mg, ce qui représente 2 à 4 g de racine. L’aconit napel est donc l’une des plantes les plus toxiques de notre flore. Toutes les autres espèces d’aconit sont également dangereuses. Le simple fait de cueillir la plante suffit à provoquer des dermites, voir des intoxications si son suc pénètre par des écorchures au niveau des bois. Le suc d’aconit servait à empoisonner les pointes des flèches et des lances.
Pierre Boiastuau (amateur d’histoires prodigieuses au XVIe siècle) dans son ouvrage Histoires Prodigieuses (1561), parle de cet effet néfaste au chapitre XXIII en ces termes : « la seconde espèce d’Aconit se nomme Lycothonon, par-ce que les loups en ayant mangé, meurent incontinent ».
Pour Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle : « Il est tout certain que l’Aconit est le plus soudain de tous les poisons et venins, et que même les femelles de quelques bêtes que ce soit, meurent le jour que leurs membres génitaux ou honteux ont été touché de cette herbe » ou encore « L’Aconit donné à l’homme en du vin chaud est de cette nature, qu’il le tue promptement ».
Dans leur périple au sein de cette caverne, les personnages du jeu Star Ocean vont aussi découvrir de la mandragore, de la lavande, de l’Acenas et du Cynorhodon. Finalement la plante rare qui n’a jamais été découverte, et qui doit être ramenée à l’apothicaire sera l’aneth sauvage ! L’aneth ou fenouil sauvage est une plante aromatique, envahissante, que l’on trouve dans le midi dont les pousses servent à aromatiser les plats. Cette plante servait à un faire le pastis local (anethol). Elle peut atteindre 2 mètres de haut. Il est étonnant de voir que dans Star Ocean, ce soit l’aneth sauvage qui soit rare et non la mandragore. Ceci est du au fait que le monde où évolue Claude Kenni (héros du jeu) est un monde magique où la notion de rareté est inversée.
La rareté dans Azure Dreams
Azure Dreams est un autre bon exemple de l’importance des plantes dans les péripéties du jeux vidéo. Le choix du nom des herbes n’y est pas aléatoire. En effet le héros peut trouver dans la tour des monstres de l’herbe Hazak. Hazak veut dire en hébreu « fort » et en effet dans le jeu celle-ci sert à restaurer les attaques faibles.
Vous pouvez aussi récupérer dans la tour l’herbe Horrey qui affaiblit le pouvoir défensif ou bien l’herbe Roem qui guérit l’aveuglement, l’herbe Harash qui affaiblit le pouvoir d’attaque et l’herbe Shomuro qui rétablit une défense affaiblie. Ces plantes là peuvent faire l’objet d’un véritable commerce, un « business botanique » puisqu’elles peuvent être vendues au village de Monsbaia. Par exemple la plus commune, l’herbe médicinale peut être vendue 7 golds alors qu’une herbe Roem sera vendu 20 golds et la Panacée, 200 golds !
Mis à part cela l’herbe est associée au thérapeutique et au mystérieux dans ce jeu. L’herbe de soin de base pour le héros est l’herbe « Medict » qui restaure des HP (points de vie), et l’herbe « Panacée » qui peut guérir tous les différents états (paralysie, sommeil, aveuglement). Il est intéressant de remarquer que ces herbes ne marchent que sur Koh, donc que sur les êtres humains puisque les familiers (monstres domptés par Koh) ne guérissent que par des pommes qui restaurent les MP (points de magie). Notre héros, Koh doit pendant ce jeu accomplir une quête annexe très spéciale : il doit aller chercher une plante curative pour Cherrl (image ci-dessus), sa voisine qui est très faible et alitée. L’herbe de guérison qui sert à guérir se trouve au 28ème étage de la tour. On ne peut trouver cette herbe à aucun autre endroit, ce qui prouve sa rareté, et ses vertus magiques. D’ailleurs cette herbe ne porte pas de véritable nom, son nom se caractérise par sa propriété ce qui accentue le mystère qui l’entoure. D’ailleurs la guérison par cette herbe fera devenir Cherrl infirmière, l’herbe a donc accompli sa fonction pleine et entière de médicament, tant au niveau physique que psychologique puisqu’elle trouve sa voie après son ingestion.
Les plantes guérisseuses de Breath of Fire et Chrono Chross
Dans le même esprit, Breath of Fire IV (jeu édité par Capcom et sorti en 2000 pour Playstation) est très féru de l’utilisation des herbes comme item de guérison (la jabbergrass qui guérit le silence). Ryu et ses acolytes doivent aller chercher l’herbe Mozweed afin de guérir une petite boule de poil, un « pabpab » bleu dans le village où se trouve l’indien Beyd. Un mystère entoure cette herbe puisque la seule indication du lieu où se trouve celle-ci selon l’indien est « quelque part dans l’océan ». Nos héros devrons donc prendre un bateau dans la ville de Lyp pour la trouver sur une île sans nom. Plus tard lorsque Ryu donne l’herbe à manger à la créature, l’on peut voir un flot d’étincelles vertes autour de lui, ce qui renforce le caractère quasi sacro-saint de la plante. Ce motif du halo de lumière est typique des sorts de guérison dans les jeux vidéo.
Dans ce jeu, les créatures magiques sont associées au végétal puisqu’il existe un « grass dragon » que l’on peut trouver en suivant un oiseau doré dans une plaine près de Worrent.
Dans Chrono Cross, l’une des quête est de trouver une bellflower (campanule) pour l’offrir à la famille du défunt Dario afin qu’ils puissent prier et fleurir sa tombe. La campanule était la fleur préférée de Dario or la fleuriste de la ville de Termina n’en a plus. C’est ainsi que le personnage que vous incarnez va devoir la trouver par tous les moyens. Si la campanule est une plante commune chez nous, dans l’univers du jeu vidéo, elle devient une plante rare. Ainsi le héros du jeu et sa trouve devront se rendre sur le point le plus haut de la vallée des fossiles pour la trouver. Mais comme si cela ne suffit pas, la précieuse plante est gardée par un dodo qu’il faudra vaincre afin de pouvoir la cueillir à son aise.
Les plantes « stellaires » de Technomage
Le jeu Technomage est aussi truffé de références botaniques disséminée au fur et à mesure du jeu. L’obtention des plantes dans ce jeu n’est souvent pas du chef du héros Melvin mais plutôt des épreuves obligées, des énigmes imposées par les autres personnages.
Dans le village des magiciens, Dreamertown, le professeur de magie demande à Melvin de chercher une fougère de l’ombre afin qu’il puisse compléter son herbier et ainsi donner un cour digne de ce nom à ses élèves. Cette fougère de l’ombre, il l’a trouvera dans la bibliothèque.
La fougère plante que l’on connaît bien, s’intègre parfaitement dans cet univers de magie. On raconte qu’un homme qui à minuit découvrirait un endroit couvert de fougères, recevrait du Dieu Puck, une bourse d’or. Ici l’instituteur, maître Salik ne donne pas de l’or à Melvin pour l’avoir trouvé mais de la craie pour marquer son chemin, récompense moins attrayante que la légende en effet. La fougère a toujours été liée au merveilleux, voici quelques légendes à son propos :
- La Fougère est utilisée dans les bouquets de fleurs pour ses propriétés protectrices, et on la plante devant le pas de sa porte pour la même raison. La Fougère est protectrice aussi bien dans qu’en dehors de la maison.
- La Fougère séchée est jetée sur des charbons ardents pour exorciser les mauvais esprits. Si vous la brûlez dehors, elle fera tomber la pluie. La fumée de Fougère fait aussi fuir les serpents et les animaux nuisibles.
- Porter de la Fougère sur soi est censé vous guider vers des trésors cachés, et la personne qui casse le premier brin de Fougère du printemps aura beaucoup de chance. Si vous frappez la fronde de la première fougère du printemps vous serez protégé contre les maux de dents, au moins jusqu’au prochain printemps. Si vous arrivez à en obtenir, la sève de Fougère est censée conférer la jeunesse éternelle à qui la boit. Enfin la graine de Fougère est censée accorder l’invisibilité de celui qui la porte.
Plus tard dans le jeu, une autre épreuve de recherche botanique va être soumise à Melvin, l’aventurier. Dans la forêt des fées, Melvin apprend de la fée Élebeth que le bouffon connaît tout sur la science des herbes mais que celui-ci aime se cacher derrière les lumières dorées. Pour réussir à obtenir l’herbe d’argent de lui, il faut passer une épreuve : deviner son nom. Il donne ainsi deux propositions et il faut trouver la bonne. Son nom est ainsi Dureos. Duna, la prêtresse des fées, en recevant les herbes d’argent donne à Melvin la potion rétrécissante qui lui permet de s’introduire à Tsa-jelon, le village des fées. Ce motif de l’herbe d’argent est tout à fait propice à un univers enchanté et onirique que le jeu vidéo ré-exploite très bien. L’argent associé à la magie n’est pas nouveau. On retrouve ces fameuses herbes d’argent dans un poème de Paul Valery intitulé « Narcisse parle » :
« Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir.
La voix des sources change et me parle du soir ;
J’entends l’herbe d’argent grandir dans l’ombre sainte,
Et la lune perfide élève son miroir
Jusque dans les secrets de la fontaine éteinte ».
Lorsqu’il sera dans le village des fées, Melvin devra résoudre une autre épreuve. Il devra capturer des rayons de lune dans un bocal en verre. Ces rayons de lune proviennent d’une « Fleur de Lune », et permettront à la princesse du village de retrouver son sourire perdu. Il n’est pas rare qu’une plante soit liée à un astre ou une planète. Cette théorie date de l’Antiquité. C’est ce que l’on appelle l’astrobotanique. Par exemple, le plantain est une plante liée à la planète Mars. On retrouve la même théorie appliquée aux parties du corps d’un être humain (la mélothésie). Voici ci-dessous la “Fleur de Lune” du jeu Technomage , où l’on voit le rayon de lune provenir du centre des étamines de la fleur.
L’une des autres missions « plantiques » de Melvin est également de récupérer de la Belladone. Celle-ci lui permettra d’invoquer le conseil des sages avec l’aide de deux autres objets (une perle noire et des cendres). Ces trois ingrédients sont à placer dans le bénitier de la sacristie. Puis un livre d’incantation doit être posé par le joueur sur un pupitre afin de faire apparaître les Anciens. On a affaire ici à un véritable rituel d’invocation. La propriété d’appel de la belladone est respectée dans le jeu car selon le mythe on s’en servait pour invoquer des déesses telles que Circé ou Bellona (déesse romaine de la guerre).
L’herbe fait aussi l’objet d’une commercialisation dans le jeu. En effet dans une crypte (avant le niveau de la forêt des fées), Melvin va découvrir une fleur blanche qui se trouve être une herbe anti-venin (Anti-venom herb). Cependant cette plante n’aura aucune utilité particulière dans le jeu, elle pourra néanmoins être vendue à bon pris à un marchand, lors de niveaux futurs.
Pour terminer avec le jeu Technomage, la magie botanique se manifeste aussi par le biais des arbres : l’un des trois gardiens qui protège la forêt des fées est un arbre anthropomorphisé. Il est intéressant de constater qu’ici le nom de cet arbre doué de parole porte le nom d’une substance désinfectante, le Bromol.
L’herbe comme noyau de base de l’intrigue
Les herbes alchimiques de Jade Cocoon
Le jeu Jade Coccon : the legend of Tamamayu introduit le thème du sommeil dans les plantes médicinales : pour sauver son village Syrus dont les habitants ont été endormis par une invasion d’insectes, les « Onibubus » (les sauterelles de l’apocalypse). Le chasseur désigné par le chef du village, Garai (prêtresse Nagi) et Jibara devra aller chercher dans la forêt d’Elrhim afin de trouver l’herbe légendaire de Calabas qui fera sortir les habitants du monde des songes.
Cette herbe de Calabas est très mystérieuse, on ne sait quasiment rien à son sujet. D’autres herbes vont aider le jeune héros, à accomplir sa quête. Mais l’utilisation des herbes n’est pas innée et ce jeu est l’un des seuls à inclure le rôle du maître, qui apprend à son disciple, à combattre et à utiliser les herbes à bon escient. En effet au tout début du jeu, dans la forêt du scarabée, c’est le chasseur des cocons bleus Koris, qui apprend à notre apprenti héros les vertus de l’herbe Mugwort. Celle-ci permet de récupérer des points de vie.
L’herbe Mugwort (« armoise » en français) est une plante herbacée vivace. En latin Artemisia vulgaris, était l’herbe de la déesse Diane. Plante féminine par excellence, celle-ci protégeait les femmes malades. Elle peut atteindre un mètre voire plus, elle est reconnaissable à sa tige élancée, son feuillage vert foncé, serré et très abondant sur les branches, ses fleurs jaunâtres ou pourprées dégagent une odeur forte. Plusieurs propriétés lui sont reconnues: tonique, fébrifuge, antispasmodique, vermifuge , stomachique, contre les infections urinaires, régule le cycle des menstruations à la ménopause. Au Moyen age, on croyait que l’armoise repoussait les mauvais esprits, accentuait la force des rêves et préservait les voyageurs de la fatigue si elle était placée dans la chaussure.
L’armoise est donc liée à la sorcellerie : l’on pensait par exemple que pour connaître le secret des prophéties, il fallait pendant la lune croissante, faire une préparation dans un chaudron à moitié rempli d’eau et adjoindre au rituel deux bougies violettes, un encens divinatoire, ainsi que de l’armoise. De même dans le rituel du « «3ème œil » (pour améliorer les pouvoirs psychiques trois jours avant la pleine lune) il fallait faire un thé magique avec de l’armoise et de l’Achillée et allumer treize bougies colorées votives.
Cependant dans Jade Cocoon, la plante n’a pas de valeur réellement magique, seulement un caractère curatif. Mais étant trouvée dans la forêt sacrée, la Mugwort n’en reste pas moins d’une importance capitale.
L’orchidée mortuaire dans Heavy Rain
Bien des années plus tard sortira le jeu intitulé Heavy Rain, thriller interactif où vous partez sur les traces d’un tueur en série. Sa signature : sur chaque cadavre une orchidée est déposée sur la poitrine. Ainsi au sein de l’enquête la concentration de pollen d’orchidée est un indicateur sur les scènes de crime. C’est aussi en fin de jeu lorsque l’on découvre qui est le meurtrier que l’on peut voir son petit laboratoire où il cultive les orchidées destinées à ses victimes.
Pourquoi l’orchidée blanche est-elle le centre de cette intrigue policière ? Peut-être car cette fleur est une fleur du deuil et un symbole d’innocence. Elle est aussi souvent liées aux romans policiers (cf. La chair de l’orchidée).
Les herbes comme “items” de soins courants
De manière générale, l’herbe en tant qu’objet médicinal, est très fréquent dans les RPG (Role Playing Game). Les exemples sont multiples et il serait périlleux de les citer tous. Deux jeux témoignent de la mise en scène de ces plantes au sein du décor et du paysage.
Dans Grandia, jeu où l’on dirige Justin et Sue, deux enfants turbulents de la ville de Parm, on pourra croiser différentes herbes au cours du jeu. Au sein du décor, ces plantes que l’on peut récupérer pour se soigner, étincellent dans l’herbe afin que le joueur sache qu’il peut les prendre dans son menu. Voici l’image d’une fleur violette que Justin peut saisir lorsqu’il se rend dans les ruines de Sult afin d’y faire des fouilles.
Ce qui est frappant c’est que la fleur récupérée ne porte pas le nom d’une espèce connue, elle est simplement dénommée “Plante”. Chose notable ici c’est que l’on a un item de soin, la plante, qui se confond dans le paysage du jeu, contrairement à des plantes que l’on trouve dans des coffres, comme c’est souvent le cas dans les RPG.
Alundra, autre RPG connu, exploite le motif de la plante médicinale comme item de soin. Tout comme Grandia, l’herbe est “matérialisée” dans son environnement. En effet elle devient solide puisque le héros peut littéralement la saisir. Par exemple, dans le magasin de la ville où se passe la majorité de l’intrigue du jeu, différentes fioles (fortifiants) et une herbe sont posés sur un comptoir. Alundra, le héros, peut saisir l’objet qu’il souhaite acheter et le poser devant la vendeuse afin de procéder à l’achat (voir image ci-dessous).
Il s’agit donc d’un procédé tout à fait différent, qu’un simple achat “par menu” que l’on peut trouver dans d’autres RPG, Eternal Eyes par exemple. Eternal Eyes où l’aspect botanique concernant les items de soins est très important puisqu’il est possible d’acheter du trèfle, de la mentheou des grains de mocha…
Mais Alundra pousse encore plus loin le concept d’interaction de l’herbe thérapeutique avec son environnement. Dans le sanctuaire de Mydgar ou dans les grottes en général, le héros pourra trouver des grandes plantes vertes qui peuvent distribuer des herbes médicinales. En effet si Alundra porte ces buissons et les jette ensuite ils peuvent lui fournir des herbes, et ce, à l’infini.
Enfin dans Alundra, les plantes peuvent aussi être des obstacles à détruire. C’est le cas de ronces qui bloquent le passage et qui ne peuvent être anéanties que par le feu. Pour cela Alundra doit trouver des lanternes à proximité et les jeter sur la plante épineuse afin de l’embraser.
Tout ceci me permet d’introduire la variété de l’exploitation botanique au sein du jeux vidéo, notamment avec la série des Final Fantasy.
Exploitations diverses du motif botanique (obstacle, dénomination…)
Les références botaniques sont assez présentes également dans l’univers de Final Fantasy : dans le premier opus, l’une des quêtes est de sortir le prince des elfes de son sommeil de cinq ans. Il fut endormi par magie par l’elfe noir Astos. Seule une herbe particulière délivrée par la sorcière Matoya peut réveiller le prince. Cette herbe ne porte aucun nom, nous savons juste qu’elle est très amère.
On retrouve parmi les nombreux ennemis, les herbes-rasoir dans le septième opus, des mandragores dans le neuvième (mais attention elles ne vous attaqueront que si vous marchez dans les forêts, elles ne se trouvent pas dans les prairies !). Il est intéressant de voir la représentation de la mandragore dans Final Fantasy VII ou IX. On s’attendrait à voir une plante ressemblant à un être humain comme le décrivait le botaniste de l’Antiquité Théophraste en lui attribuant le nom d’anthropomorphon…et bien non ! Ici la plante a tout simplement une allure normale, même s’il elle est douée de mouvement et possède des yeux, elle ne possède pas les autres caractéristiques humaines auxquelles on s’attend.
Au niveau des herbes curatives, l’Echo herb est un item récurrent dans plusieurs versions (FF III par exemple). Le jeu de mots est ici amusant puisque cette herbe guérit le statut « silence » (empêche de lancer des sorts).
Au début du jeu Final Fantasy IX nous retrouvons dans la Forêt Maudite, des boss qui sont en réalité des plantes. Blambourine est une sorte de fleur pourvue de grosses racines dont le pollen qu’elle dégage diminue les attaques physiques pour cela il faut utiliser le remède lasik). Elle est également capable de lancer le sort « foudre ». Les pouvoirs magiques attribuées aux plantes n’est pas nouveau. Déjà par Flavius Josèphe, historien romain d’origine juive du IIe siècle, qui disait que la racine de Baara était capable de luire comme une lampe et même de produire des flammes. Alors pourquoi serait-il étonnant que la Blambourine lance des éclairs ? D’ailleurs quand Blambourine meurt toute la forêt se pétrifie, comme si cette fleur aux tentacules était liée aux autres arbres et était le chef de la forêt. Outre ce Big Boss il existe dans cette même forêt maudite des sous Boss végétaux comme « Maton », cette autre plante qui réussi à capturer le personnage de Bibi dans ses feuilles. Il faut donc tuer la plante avant qu’elle ne draine toute l’énergie vitale de Bibi.
L’allusion « plantesque » se manifeste également dans l’origine du nom d’un des personnages : Amarant (qui se fera appeler plus tard Tarask) est un chasseur de prime chargé par la reine Branet de tuer Bibi, le petit mage et de capturer sa fille, la princesse Grenat. Amarant fait référence à l’amarante, plante ornementale aux fleurs rouges regroupées en grappes, connue sous le nom de « queue-de-renard ». L’amarante est d’une couleur comparable à un rouge bordeaux, c’est ce qui explique sans doute la couleur des cheveux d’Amarant dans le jeu.
Tout comme Final Fantasy IX, le jeu Koudelka (dont l’intrigue se passe au Pays de Galles à la fin du XIXe siècle, dans le manoir de Nemeton, rempli de monstres que Koudelka aidée de deux autres comparses devra éliminer) devra affronter un boss-monstre qui se trouve être une plante. Dans l’une des salles du manoir, là ou se trouve un jardin, et aussi James O’ Flaherty inconscient, Koudelka devra éliminer le Monstroplante.
Koudelka reprendra ce principe à la fin du jeu puisque le boss final (qui se trouve être une femme) sortira d’une fleur géante et monstrueuse. Cela me permet d’introduire ma nouvelle partie sur les plantes comme adversaires.
Les plantes comme ennemies
Les plantes sont souvent les ennemis des héros de jeux de rôle dans les forêts ou clairières (lieux que les RPG affectionnent). Dans Zelda : The Ocarina of Time, lorsque Link pénètre dans l’arbre Deku, il rencontrera des plantes carnivores.
Ce procédé avait déjà été exploré par Secret of Mana, où le héros, chassé de son village pour avoir retiré l’épée Mana de son rocher, devra affronter nombre d’ennemis dans la forêt dont une plante aux fleurs roses. Mais ce jeu n’oublie pas le rôle curatif des plantes puisqu’il est également possible d’acheter des herbes chez les marchands.
Dans un tout autre registre le jeu d’aventure Akuji the Heartless met en scène un prêtre vaudou condamné à errer dans les mondes souterrains. Dans cet univers de l’au-delà une flore étrange se manifeste. Une flore, on peut s’en douter néfaste et vindicative. C’est ainsi que le héros devra éviter les plantes carnivores ou bien des plantes sanguinolantes. Mais la plante carnivore dans ce jeu a un double statut. Elle sert de plate-forme pour aller récupérer des objets. Il faut donc sauter dessus pour pouvoir atteindre une autre zone. Mais attention si vous restez dessus, la plante se referme et vous dévore. Certaines autres plantes, en forme de simple feuille, servent uniquement de trampoline pour accéder à des zones inaccessibles.
Originalités dans l’interaction héros/plantes
Le jeu Hack and Slash intitulé Ronin Blade, mettant en scène le jeune samouraï Kotaro tentant de sauver sa vie au milieu d’une attaque de zombies-samouraï dans le contexte du Japon féodal, fait la part belle au plante. En effet les herbes médicinales classiques sont présentes comme item de soin. Le halo de lumière canonique est de mise lorsque l’on utilise l’herbe pour se soigner. Mais l’originalité ne vient pas de là. Ronin Blade utilise la plante comme point de sauvegarde. En effet dès que le personnage aperçoit une fleur rose il peut s’en approcher pour sauvegarder sa partie. À ma connaissance c’est le seul exemple de cas de « point de sauvegarde végétal » qui existe dans le domaine des jeux vidéo.
Dans toute une série de jeux vidéo il est possible que les héros interagissent avec les éléments de la nature de son environnement afin de compléter sa quête ou d’évoluer dans la trame du jeu. Dans Gex par exemple, le lézard « james bondien » que vous incarnez peut taper dans les palmiers avec sa queue afin d’en faire tomber des insectes dorés qu’il faut collecter pour amasser le plus de points possible. Dans Assasin’s Creed Revelations, il est possible de se cacher dans des buissons fleuris afin de ne pas être repéré par des ennemis.
Dans Alice : retour au Pays de la Folie, la jeune Alice ne se trouve pas dans le pays des merveilles du conte mais dans un monde rempli d’étrangetés où des champignons géants servent de propulsoirs, où des plantes possèdent des fleurs de couleur rouge feu. Mais il est une plante qui attire notre attention : lorsqu’Alice rétrécit en taille, il lui est possible d’entrer dans une fleur de couleur violette qui va tenter de la manger. Alice en la détruisant va pouvoir récolter ainsi des dents qui agissent comme de la monnaie dans ce pays singulier.
Les plantes dans les Point’n click
Dans le jeu Les boucliers de Quetzacoalt, l’une des quêtes à réaliser, afin de poursuivre le jeu, est la recherche d’une racine salutaire. En effet, Nico se fait mordre par un serpent dans la jungle. Ainsi son coéquipier, le reporter Georges, doit chercher un remède au plus vite. Ne sachant comment la soigner, il demande conseil au père Hubert, le propriétaire de la cabane où il loge. Ce dernier l’informe qu’il existe une panacée alexitère qui permettra de soigner la jeune femme. Pour se la procurer, il faut aller rencontrer le sage indien dans le village le plus proche.
Il finit par obtenir la précieuse racine par le vieux chaman, qui lui donne pendant la fête du singe-dansant. Mais bien entendu, elle ne peut être administrée comme telle. En effet Nico, trop affaiblie par le poison, ne peut ingérer la racine. Georges devra donc se servir du pressoir situé en bas de la cabane où Nico est alitée afin d’en extraire le jus. C’est ce suc qui permettra à l’empoisonnée de guérir.
Dans le jeu Égypte II : la prophétie d’Héliopolis, vous incarnez une jeune femme nommée Tifet, prêtresse qui étudie la médecine. Elle doit au cours du jeu, soigner différentes personnes afin de pouvoir continuer sa quête. Une fois les ingrédients récoltés, la recette se trouve écrite dans son Livre des Remèdes. Ainsi une recette pour traiter une blessure à l’œil préconise comme ingrédient une feuille d’acacia. Feuille qu’il faudra bien sûr trouver au cours du jeu.
Enfin comment ne pas mentionner le superbe jeu d’aventure Amerzone qui nous présente les aventures d’un journal partant en quête d’un œuf aux propriétés admirables dans un pays fantastique appelé l’Amerzone afin de réaliser les derniers souhaits d’un explorateur décédé. Dans ce pays étrange, l’Amerzone, le journaliste peut y découvrir une faune et une flore étrange qu’il n’a jamais vue auparavant. Il peut ainsi identifier les plantes de cette nouvelle contrée grâce au carnet d’aquarelles que lui a laissé le vieil explorateur. On peut trouver des noms de plantes tels que le manka, le yangala (qui semble être proche de notre arum maculatum), ou l’orcochi (proche de notre orchidée).
Les plantes dans les jeux d’action
Ce type de guérison par les plantes, les « healing herbs », sera repris dans tout types de jeu, même dans le jeu d’aventure b, on l’on peut prendre des herbes, les « remèdes naturels » en plus des trousses de soin. Ainsi Lara Croft dans l’épisode sibérien de ce jeu doit prendre des feuilles de cet arbuste sibérien afin de se soigner.
La licence Metal Gear Solid viendra à ce procédé également. Si les premiers jeux Metal Gear Solid misent sur les célèbres « rations » comme item de soin, les derniers volumes du jeu utilisent l’élément botanique. C’est ainsi que dans Metal Gear Solid 3 : Snake eater il est possible de récupérer des plantes locales pour se soigner.
Cela sera repris dans le volet V : The Phantom Pain où il est possible de récupérer dans la nature pour des utilités diverses. Vous pouvez ainsi récolter de la Digitalis lutea afin de fabriquer des grenades à gaz ou des fléchettes tranquillisantes. Le jeu vidéo s’inspire d’une plante qui existe réellement, la digitaline jaune, que l’on peut trouver en France à l’état sauvage. Elle contient de la digitaline qui serait hautement plus toxique que celle de sa cousine, la digitale pourpre.
Dans Syphon Filter : Dark Mirror, la botanique est au centre des missions de l’agent Logan. En effet dans une base, l’agent récupère un échantillon d’une plante inconnue, génétiquement modifiée, proche par l’aspect de la plante appelée Cochleanthes amazonica. Il découvre alors que cette fleur est au centre d’un projet top secret appelé Dark Mirror qui vise à utiliser cette plante exotique modifiée comme arme biologique.
Et les arbres dans tout ça ?
Nous avons beaucoup parlé des herbes, racines et fleurs mais il est aussi fréquent que les jeux vidéo exploitent le thème de la forêt, des bois et des arbres. Dans deux de nos jeux étudiés, l’arbre représente quelque chose de vivant, de magique. L’arbre d’Elrihm dans Jade Coccon et l’arbre d’Ifa dans Final Fantasy IX. Dans le premier, celui-ci est l’incarnation même du Dieu de la forêt et dans le second, c’est un arbre qui fabrique de la brume et qui s’avérera plus tard être le lieu de passage vers un autre monde appelé Memoria.
Ce thème de l’arbre producteur (qui produit quelque chose) se retrouve chez Pline avec l’arbre qui distille de l’eau dans l’île de Pluviulum. Cet arbre se situant dans une île où il ne pleut jamais était le seul à être capable de créer de l’eau de pluie et de la fournir à ses habitants. Cet arbre était toujours entouré de brouillard, un peu comme l’arbre d’Ifa.
Dans Final Fantasy IX, n’oublions surtout pas qu’il y a un autre arbre gigantesque qui accueille dans ses branchages, le village de Clayra. Ce motif de l’arbre-ville se retrouve chez Claude Duret, auteur de l’histoire admirable des plantes qui relate l’histoire de l’arbre gigantesque Ceibas.
Dans le volet III, la troupe d’aventurier rencontre Yggdrasil dans la forêt. Cet arbre magique parle aux héros dans leur esprit et leur transmet une partie de son savoir en échange du « wisdom fruit ». Yggdrasil, selon la légende viking, est l’arbre-monde dans la mythologie nordique. C’est un arbre gigantesque dont les branches s’étendent dans le monde entier. Certains disent que c’est un If et d’autres un frêne. En dessous de lui se trouverait un serpent monstrueux, Nídhögg.
La première de ses racines descend en Asgard, le monde des ases ; la deuxième chez les géants du givre, ou jadis se dressait le vide béant de Ginnungagap et la troisième couvre le monde de Niflheim, demeure de brume et de froid accueillant les morts.
Dans Legend of Mana, l’histoire du jeu se déroule autour de l’arbre à Mana. La mana est dans l’univers du jeu vidéo, est bien l’énergie qui permet de lancer des sorts, il est intéressant donc de remarquer la similitude avec la manne des arbres (exsudation sucrée présente surtout dans le frêne) d’où provient leur énergie. Et que cette mana dans le jeu soit représentée par un arbre.
Le jeu Legend of Legaia exploite également le motif de l’arbre comme motif central de l’intrigue. L’objectif du héros – nommé Vahn – est de ranimer tous les arbres de vie afin qu’ils puissent repousser la brume, qui transforment les habitants du monde de Legaia en monstres. Ranimer les arbres de vie permet ainsi d’éloigner la brume et d’affaiblir celui qui la produit et qui menace la sûreté du monde.
Conclusion : des plantes vidéoludiques
L’image des plantes va être très exploitée à foison dans l’univers du jeu vidéo. La botanique va être sujette à des bouillonnements d’imagination, et ce dès les tous premiers jeux. Mario a engrangé une telle pratique avec la fleur de feu “Hanna bi” qui permet au héros de se transformer et de lancer des boules de feu, fleur que l’on retrouve plus tard en item de combat dans Super Smash Bros Brawl. La plante se retrouve dans les jeux les plus connus; on peut le voir dans Les Sims et la « cowplant » qui s’inspire des monstres végétaux des siècles passés. En effet cette plante peut être comparée à un zoophyte ou plante-bête mentionné par les auteurs anciens. Claude Duret dont j’ai déjà parlé plus haut nous parle de la créature Borametz (monstre de Scythie) qui était en fait un mouton relié à la terre par une tige. Cette bête étrange était placée au rang des curiosités et des monstruosités au XVIe siècle.
Toujours dans les Sims (troisième volet) vous aurez le loisir de gagner de l’argent à l’aide d’un arbre dont les fruits sont…des billets !
Le thème des plantes est exploité même dans les jeux les plus récents. Dans The Legend of Zelda : Twilight Princess, Iria demande a Link de prendre une herbe semblable à un fer à cheval et de souffler dedans afin de faire une mélodie. L’imagination semble être inépuisable sur le thème des plantes. Grim Fandango sur PC va réexploiter le thème des fleurs avec originalité. Par le biais d’armes à feu qui entraînent la germination (entoure le squelette d’une multitude de fleurs), on va pouvoir tuer les squelettes dans le monde des morts. La plante peut elle-même être un personnage à part entière, comme dans Kameo sur Xbox 360 où l’on peut incarner Frappedur, une plante qui fait de la boxe !
Bref il semblerait que la botanique soit très populaire auprès du public et semble introduire une originalité féconde au sein d’un jeu vidéo, j’en veux pour preuve le succès manifeste de Plantes vs Zombies qui met en parallèle deux univers qui semblaient pourtant ne jamais devoir se rencontrer : l’univers végétal et l’univers de l’horrifique.