Interview de Gwénaël “Fonzie” Godde, cofondateur de WaterMelon Games

Paprium est un jeu dont on ne pensait plus entendre parler depuis sa sortie en décembre dernier. Après de nouvelles difficultés, le sort du jeu semblait scellé. Seuls quelques élus avaient eu la possibilité de jouer à ce beat them up (ou beat them all pour les nostalgiques) à l’ancienne. On ne reverrait plus Paprium à moins de débourser quelques centaines d’euros sur des sites de ventes entre particuliers.

Quelle ne fut notre surprise lorsque le 21 octobre, WaterMelon lança son kickstarter pour porter Paprium sur les consoles next-gen ! Chez Retro-Games.fr, nous nous sommes dit que c’était probablement le bon moment pour poser quelques questions au créateur derrière Paprium, Gwénaël Godde alias Fonzie.

Interview : Gwénaël “Fonzie” Godde, créateur de Paprium

Retro-games.fr : Salut Fonzie ! Avant de rentrer dans le vif du sujet et de parler de Paprium ainsi que de son kickstarter, on va s’intéresser un petit peu à l’homme. Ces dernières années, que ce soit en bien ou en mal, on a eu l’occasion d’entendre ou de lire tout et son contraire à ton sujet. Alors qui es-tu vraiment ? Comment te présenterais-tu à quelqu’un qui ne te connaît pas ?

Fonzie : Mon pseudo est Fonzie ! Je suis programmeur autodidacte, j’ai un diplôme de designer (artistique). J’ai habité en Chine ces dernières années après un passage aux États Unis (où j’ai co-crée WaterMelon, l’entreprise qui est derrière Pier Solar et PAPRIUM). Fan de la Mega Drive depuis la première heure nous avons créé un premier jeu avec la communauté de Fans SEGA, Pier Solar sorti en 2008 et qui était le tout premier « nouveau » jeu crée par des indépendants. Nous avons par la suite créé un site collaboratif « L’atelier magique de WM » d’où vient PAPRIUM, sorti en 2020 après beaucoup de retard.

Paprium est un beat them up qui se veut être une sorte de suite spirituelle de jeux comme Streets Of Rage. Quand on joue à Paprium, on ressent le même feeling qu’à l’époque lorsque l’on jouait des heures et des heures à Streets Of Rage, Final Fight ou encore Turtles In Time. On voit également des références à d’autres jeux de Capcom. Est-ce que d’autres jeux, peut-être plus obscures pour le grand public, ont servi de modèle ou même d’inspirations que ce soit sur le plan du gameplay, du level design ou même graphique ?

Night Slashers (1993), une référence du genre sur Arcade

Cadillac & Dinausaurs, Vendetta, Night Slashers ! Mais mes jeux préférés à l’époque étaient Streets Of Rage (1) et Golden Axe III. Au final, j’ai très peu joué à Streets Of Rage 2 et 3 ni aux premiers opus de Golden Axe (nous trouvions ces jeux moins marrant à l’époque) ! Pour l’inspiration du level design et du graphisme je me suis efforcé de ne pas prendre de références dans le Jeu Vidéo, mais plutôt de films, de photographies et d’expériences en Asie (J’ai aussi habité à Hong Kong qui ressemble à la ville de PAPRIUM).

Hormis les inspirations vidéoludiques, sur le plan visuel, quand on regarde Paprium, on sent des inspirations venant de la BD ou du cinéma. On peut penser à du Blade Runner, Total Recall, au Judge Dredd de Wagner et Ezquerra ou encore à des films pos-apocalyptique comme Tank Girl. Est-ce que ce sont des inspirations qui te parle, à toi ou à Luis Martins, directeur artistique, sur Paprium ? Quels sont les autres inspirations venant de la pop-culture ?

Blade Runner, une des inspirations visuelles de Paprium

Je vois que monsieur est connaisseur ! Oui exactement. Blade Runner, Total Recall bien évidement, Terminator I & II, Running Man, Brazil, Soylent Green, RollerBall, La planète des Singes mais aussi Tokyo Gore Police, Tetsuo… même s’il est particulièrement difficile de retranscrire une ambiance dans un jeu Mega Drive à cause des limitations techniques et du budget limité. Comme je crois que vous faites aussi écho à l’ambiance mauve du jeu, en 2011, nous avons fait un gros travail de recherche pour identifier un univers de couleur « unique » … ironiquement, le jeu à pris tellement de temps pour sortir que le fameux rose/mauve est devenu à la mode entre temps avec la vague « retro VHS». Luis a surtout travaillé sur le Character-Design du jeu avec une inspiration de nombreux mangas et animes japonais; il nous fallait absolument éviter d’avoir un jeu trop « Americain » (le bon goût étant plutôt japonais, tout le monde le sait) !

Pourquoi avoir voulu sortir un jeu comme Paprium aujourd’hui ? Quel sens cela a pour toi de l’avoir sorti sur Mega Drive ?

J’apprécie le challenge et la récompense du travail « bien fait ». Malheureusement avec la levée des limitations techniques sur consoles modernes il est absolument impossible de réaliser des jeux à la hauteur des performances de ces machines. Il faut des budgets incroyables et au final, le risque de produire un jeu sans saveur est grand. Alors que sur Mega Drive on peut, avec un budget raisonnable et de la persévérance, atteindre le top de l’époque, c’est beaucoup plus intéressant. Aussi nos jeux ne sont plus qualifiables de « jeux vidéos » : en fait c’est plus une expérience qui compte pour moitié dans la valeur de ces derniers (recevoir un vrai jeu physique avec une notice, un vrai trailer video, technologie de cartouche, manette, etc), ce qui n’est plus faisable sur console moderne !

Paprium reste, dans sa fabrication, un phénomène assez rare dans l’industrie vidéoludique même pour la scène indépendante actuelle. Selon toi, quelle est la place de Paprium sur cette scène indépendante ?

La prédominance du mauve se retrouve dans le level design

Sans modestie, je pense qu’il n’y a pas d’équivalent tout simplement parce que monter un projet comme celui-ci requiert trop de travail et de sacrifices. Plus modestement, il n’existe pas 3 portes d’entrées, il fallait de la chance et un bon timing. Une fois cette « retro » vague passée, et malgré le fait que les choses se soient beaucoup simplifiées aujourd’hui (on peut commander des cartouches vierges sur Amazon, absolument impensable il y a dix ans), on voit bien qu’il est peu probable que cette expérience se reproduise de manière industrielle comme Pier Solar ou PAPRIUM. La scène retro s’est transformée et l’idée d’avoir un nouveau jeu sur console retro n’est plus vraiment attendu : les « clients » sont passés à autre chose. On voit bien l’engouement pour les cartouches flash, le hacking, le piratage et les consoles FPGA, c’est sans doute la fin de la Mega Drive telle qu’on l’a connue malheureusement !

Depuis quelques jours, WaterMelon Games a lancé un kickstarter pour porter Paprium sur les consoles next-gen. Pourquoi avoir décidé de faire ce kickstarter presque un an après la sortie officielle de Paprium sur Mega Drive en décembre dernier ?

Coup sur coup nous nous sommes fait saisir la recette de notre jeu PAPRIUM par un organisme financier. Au fil des années, ils nous est devenu impossible de vendre notre jeu en ligne car les volumes et profils de ventes ne correspondent à aucun service de paiement en ligne (ils en profitent pour saisir les fonds) … le hic, il nous faut livrer les clients à chaque fois et donc de notre poche ! Couplé à une armée de trolls qui tentent maintenant systématiquement de faire fermer nos sites, le Kickstarter était la dernière solution.

A l’heure où les stores des différents constructeurs pullulent de jeux néo-rétro et de beat them up plutôt médiocres dans l’ensemble. Qu’est-ce qui pourrait donner envie à un joueur « lambda » de financer le kickstarter voir plus tard de l’acheter en dématérialiser ?

Disons que PAPRIUM est un « vrai » beat them all à l’ancienne. Il s’agit d’une expérience à part entière et il a une certaine re-jouabilité et pas mal de petits détails (Les pilules, l’extincteur, etc). Bien sûr, rien n’est parfait mais je pense que si on y joue sans a priori on ne sera pas déçu !  J’oubliais : nous essayons d’offrir l’expérience « Mega Drive » de l’époque avec un traitement visuel proche d’un CRT donc si vous souhaitez voir à quoi ressemblaient les jeux de l’époque, PAPRIUM est fait pour vous.

Si cette campagne participative fonctionne, et on n’en doute pas, il y aura-t-il des nouveautés ? Des améliorations graphiques ? Voir même peut-être des niveaux en plus qui ont été abandonnés au cours du projet ?

Une des premières images de Paprium en version console next-gen

Alors oui, un certain affinement du gameplay ainsi que des ennemis un peu plus contrastés. C’est le grand défaut du jeu, il existe beaucoup d’interactions et de choses à découvrir mais nous n’avions pas poussés les curseurs assez forts pour que ça soit vraiment compréhensible. On ne joue plus aux jeux comme avant de nos jours ! J’ai mis 25 ans pour découvrir comment faire la « magie à deux » dans Golden Axe 3, un joueur moderne doit le découvrir en 1h max, 2h plus tard il est déjà en train de « mater une série » sur Netflix et il est passé à autre chose. Pour les niveaux en plus, pourquoi pas mais ce n’est pas tout à fait la priorité je pense ! Au niveau du graphisme comme indiqué précédemment nous avons un rendu proche du CRT, ce qui est impossible à faire avec un émulateur, c’est vraiment une technique de rendu spéciale permettant aux joueurs d’avoir l’esprit du jeu d’origine sur leur écran plat !

J’ai cru comprendre que tu travaillais sur les portages de Paprium mais aussi sur un nouveau projet Mega Drive qui répond au doux nom de code « AMD96 ». Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Je vois que vous êtes connaisseur ! Aimez-vous les Dauphins ? Je ne peux rien en dire bien évidemment ! Ceux qui savent, savent !

En parlant de futurs projets… Pour ceux qui suivent WM depuis le début de l’atelier magique, aurais-tu quelques nouvelles sur le Projet N qui faisait rêver les joueurs de SNES ?

Alors pour ce projet, il y a eu beaucoup de retard et malheureusement il a été remis en pause suite au nouveau blocage des fonds en décembre dernier. Mais nul doute que nous allons faire un point une fois le Kickstarter passé.

Pour finir, en tant que fan des Streets of Rage, as-tu joué au quatrième épisode. Si oui, qu’en as-tu pensé ?

Non je n’y ai pas joué. Mais j’ai eu des retours de nombreuses personnes et je pense qu’ils ont bien joué le timing car le « Beat Them All » est redevenu à la mode pile à ce moment-là. Je trouve incroyable que SEGA ai laissé filé la licence à l’étranger, cela me semble totalement fou ! SEGA is dead, long live…

Merci beaucoup à Fonzie d’avoir pris le temps de répondre à nos questions ainsi qu’à Camille pour son accessibilité et sa gentillesse !

A la date où nous publions cette article, le kickstarter est déjà un véritable succès. L’objectif de récolter 258 000 euros pour le portage de Paprium sur PS4/PS5 et Steam est déjà dépassé. De nouveaux objectifs ont été ajoutés puis atteints. Paprium sera porté également sur Nintendo Switch, Dreamcast, Game Gear (oui oui !).
Il est toujours possible de participer à la campagne de financement de Paprium à cette adresse : Paprium kickstarter

Vous pouvez également consulter notre article-test de Paprium.

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3 commentaires

Jerem 4 novembre 2021 - 23h19
Clairement un des projets les plus "hypant" que j'ai pu voir cette année... J'ai vraiment hâte de voir le produit fini car je sais qu'avec WM la qualité sera au rendez-vous...
Baptiste 5 novembre 2021 - 1h14
Super entretien, bien mené, du journalisme de qualité qui fait honneur à la profession. C’est chouette de découvrir en profondeur le projet et d’en apprendre plus sur un artiste intransigeant dont les travaux visent l’excellence. En nos temps de disette intellectuelle et artistique, cela fait un bien fou ! Pour moi qui avais manqué Paprium, ce Kickstarter est une aubaine. Qu’il s’agisse de la version Megadrive ou des portages Dreamcast, Game Gear, Next Gen, et de l’OST qui déchire !
Nicolas 5 novembre 2021 - 12h35
Interview très intéressante et bien menée. Ça fait plaisir à lire !! Et surtout le projet donne envie de s'y intéresser et de le soutenir. Perso j'ai vraiment hâte de découvrir le jeu sur support moderne, donc c'est vraiment l'occaz à ne pas rater. La qualité de la version Megadrive, y compris au niveau packaging était folle, donc on ne devrait pas être déçu par la conversion.
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